Pouvez-vous vous présenter, ainsi que votre parcours ?
J’ai étudié à Lyon, Paris Orsay, puis à Montréal au Canada, et obtenu mes diplômes d’opticienne et d’optométriste ; une discipline malheureusement insuffisamment connue et reconnue en France.
Après l’obtention de mes diplômes, je me suis installée à Lyon et j’ai d’abord effectué sept années de recherche clinique dans des cabinets d’ophtalmologie, notamment ceux spécialisés dans le traitement de la DMLA humide. Après avoir exploré les différentes facettes de mon métier, j’ai pris la responsabilité, en tant qu’associée, pendant sept ans, d’un centre de basse vision lyonnais situé dans le 6ème arrondissement. Au sein de cet établissement, j’ai exercé aussi bien en tant qu’opticienne, qu’optométriste spécialisée dans la déficience visuelle.
Quel projet portez-vous ?
Cette association ayant pris fin, pour notamment, des divergences d’orientation, j’ai eu envie de renouveler et diversifier ma pratique professionnelle. De travailler dans la continuité, mais autrement. En effet, il m’importe désormais de trouver des solutions plus personnalisées, globales et innovantes à davantage de gênes et pathologies visuelles*. Que cela soit la difficulté à reconnaitre des visages, lire, écrire, préparer les repas, se protéger des éblouissements, lutter contre la fatigue visuelle, gérer la perte des reliefs ou encore utiliser son ordinateur comme son smartphone, il existe pour surmonter ces complications quotidiennes de vision, de multiples solutions adaptées, optiques et numériques.
Dans ma nouvelle démarche, j’ai d’abord voulu me recentrer sur l’humain et la personnalisation des solutions. Tout travail efficace tenant d’une rencontre réussie, encore plus qu’auparavant, il m’importe de créer une relation privilégiée pour répondre au mieux aux besoins de chacun.
J’ai également profité de ce nouveau projet pour réinterroger mes protocoles de bilans visuels en intégrant les problématiques liées aux outils numériques. Je veux favoriser l’accès à l’ensemble des outils numériques disponibles qui sont d’une aide précieuse et sont devenus indispensables pour s’informer et vivre de façon autonome dans notre société dématérialisée. Enfin, j’utilise de nouveaux produits : une offre différente et plus innovante de lunettes, des matériels dédiés et des logiciels informatiques plus pointus et spécifiques et les formations dédiées à ces derniers.
Mon projet était également de créer ou de recréer du lien social : lien avec d’autres professionnels médicaux complémentaires (orthoptistes, ergothérapeutes, ergonomes, avjistes, instructeur en locomotion, psychologue), liens avec la famille et les aidants afin de leur expliquer ce que la personne voit pour mieux l’accompagner, lien aves les collègues, les RH, lien avec d’autres personnes déficientes visuelles par le biais des associations, retrouver des activités culturelles, sportives, sociales…
* maladies rétiniennes comme rétinopathies, DMLA, maladie de Stargardt, rétinite pigmentaire, rétinopathie diabétique et également, glaucome et tout gêne visuelle sans pathologie.
Pourquoi le faites-vous ?
Je suis passionnée par mon métier car je suis convaincue qu’il existe des solutions techniques et je souhaite accompagner chaque personne avec sa propre histoire, dans sa vie.
La déficience visuelle est une vraie souffrance et on ne la soupçonne pas, on ne la voit pas toujours, telle une maladie muette. Je veux offrir un espace d’écoute, je veux que les personnes se réapproprient leur vision, apprennent à vivre avec leur handicap et à voir autrement.
La basse vision ne doit pas être un frein à une vie autonome.
Aujourd’hui, 2 millions de personnes sont déficientes visuelles en France. Il faut savoir que 15% de ces personnes naissent avec leur handicap alors que 85% ont perdu la vue au cours de leur vie, accident de la vie, accident, maladies ; nous pouvons tous être concernés un jour.
Je milite pour l’accès, le maintien et l’épanouissement dans l’emploi des personnes déficientes visuelles. Je souhaite orienter mon projet vers plus d’accompagnement au sein des entreprises afin que l’embauche d’une personne déficiente visuelle ne soit plus un frein mais un réflexe. Aujourd’hui, une personne déficiente visuelle sur deux est au chômage. Or, grâce aux nouvelles technologies, les déficients visuels ont accès à quasiment tous les postes.
Pourquoi vous faire accompagner par Emergences ?
Je maitrise mes compétences techniques, je m’informe et me forme constamment. Mes partenaires m’aident pour ce volet. Les coulisses de l’entrepreneuriat sont tellement vastes qu’elles restent pour moi un sujet de beaucoup de questionnements. L’accompagnement et le regard bienveillant de la Fondation Emergences me sera d’une aide précieuse. Je crois en mon projet et je souhaite mettre toutes les chances de mon côté. Se construire, se structurer, murir pour que L’Œil et l’Autre grandisse avec le soutien de la Fondation.
Quelles sont vos inspirations ?
Lors de mes études aux Canada, j’ai pu apprécié la qualité de la prise en charge fonctionnelle des personne déficientes visuelles, plus développée, plus précoce. A mon retour en France, dans le cadre des recherches cliniques j’ai pu constaté la détresse et la solitude des personnes déficientes visuelles, j’ai réalisé la difficulté de recevoir l’annonce d’un diagnostic pour laquelle il n’existe pas de solution en chirurgie, traitement ou lunette classique. Aujourd’hui encore, je m’inspire des techniques du Canada.
Mon envie était donc d’accueillir les DV dans une structure entièrement dédiée au handicap visuel. Leur donner des réponses, leur trouver des solutions, des systèmes grossissants sous toutes leurs formes.
Mon envie de donner accès aux multitudes de solutions qui peuvent soulager leur vie est née face aux obstacles qu’elles rencontrent. Des aides visuelles existent. Le cœur de mon projet est de proposer et faciliter aux personnes porteuses d’un handicap visuel le matériel adapté à leurs besoins.
Une phrase ou une citation qui vous décrit ?
« Que l’importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée ! »
– André Gide